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MES SOUVENIRS

délivrance de l’Italie à tout prix, et je vous ferai de l’opposition sur ce terrain. »

Gioberti, comme tous les prêtres qui se lancent dans la politique, y portait l’entêtement et le défaut de logique qui appartiennent aux esprits jetés en dehors de la sphère pratique. Il était allé dans ses livres jusqu’à écrire que les Corses prouveraient qu’ils ont bien peu de cœur s’ils ne chassaient les Français pour devenir Italiens.

Les délégués des différents États de l’Italie étaient venus à Turin pour jeter les bases d’une confédération par la réunion d’une Constituante analogue au parlement de Francfort. Les séances de ce congrès auxquelles prirent part Gioberti, qui en fut nommé président, Mamiani, le prince de Canino, Leopardi, Massari, Fiorentino, Ricciardi, avaient lieu au théâtre national, à un franc d’entrée ; elles ressemblaient beaucoup à des représentations théâtrales. Les loges, louées à l’avance, étaient occupées par des dames. On y applaudissait les orateurs et on les rappelait sur la scène comme des acteurs. J’y ai vu l’abbé Gioberti, ainsi bissé, remercier le public à la manière d’une prima donna. Il y exposait son programme, demandant que le pouvoir fût confié à des hommes ayant l’audace et l’énergie nécessaires à un ministère vraiment national.