Page:Remy - Les ceux de chez nous, vol 10, Le jour des mes Pâques, 1916.djvu/10

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

une vieille pièce de cinq francs, elle me l’a montrée de bien haut et elle a dit : — Volà n’pèce por vos. C’est po vos pâques, mains, comme vos l’iriz surmint piette ou co pé, el kitaper mutwet, j’ n’vis elle donne nin. Ji v’s’elle wâde cial ; vos l’rôrez pu tard, qwand c’est qu’vos serez grand. Louquiz bin wisse qui j’elle mette, è ciss calbotte cial, à part.

Je suis tellement vessu et attrapé que je ne sais pas quoi dire ; je voudrais bien pleurer de colère et me jeter sur ma tante et lui donner des coups de poing dans le ventre et lui prendre la pièce.

Mais mon oncle a entendu et il a vu tout, il est dans son grand fauteuil ; il a ôté son bon paletot pour ne pas le gâter, il n’a plus son hagnant col et il va faire prongîre.

Pah ! Leyîz-lix s’pèce jusqu’à houye al nutte, po qu’aye on pau bon dè sinti dè censes es tahette. Et po l’honneur di s’poche, li jou d’ses pâques.

Mon Dieu, dai ! que ma tante crie, tot les hommes sèront todis pareyes, ossi ènnocints et ossi heyaves ; les vîx comme les jônais, c’est l’minme affaire. Tinez, vol’la voss pèce, mains eulemint jusqu’à pu tard. Et vite et rate, savez, qui vos m’elle rimettrez.

Et elle me pousse les cinq francs dans ma main, comme pour les faire coller à ma peau. Mais j’ai déjà fermé mon poing dessus et je l’ai poussé tout au fond de la poche de mon pantalon et je serre tellement fort que la pièce entre dans ma viande, je crois, et j’ai bon et on ne saurait pas m’arracher ma pièce, même avec une trikoisse.