Page:René Crevel La Mort Difficile 1926 Simon Kra Editeur.djvu/180

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petits poisses font attention à moi, qu’ils me trouvent élégant.

— Ils vous adorent, mon cher. »

M. Arthur est ravi. Brummel des bals-musettes. M. Arthur a ses succès. Il ne lui déplaît pas qu’on s’en rende compte, mais il n’aime pas qu’on le qualifie de « putain au cœur de rose », ne serait-ce que pour l’obliger à constater que s’il a ses succès, il les a bien cherchés. Que son dompteuse soit rude, passe encore mais que Pierre souscrive à ses propositions désobligeantes, voilà bien de quoi l’exciter à la colère. D’où ces sourcils froncés et un « non sens » entre les dents. Pour oublier cette réprobation, Pierre d’un trait, avale son cocktail tandis que la Roumano-Scandinave reprend :

« N’est-ce pas qu’il est magnifique mon danseur. Nous l’avons déniché Bruggle et moi dans un bal de la porte des Lilas. Pas un bal-musette au chiqué. Un vrai et qui s’appelle, devinez comment : Au lapin vengeur. N’est-ce pas un joli nom ? C’est là que viennent guincher les chiffonniers pédérastes. Les chiffonniers pédérastes, inouï, hein. Totor est chiffonnier, regardez comme il est élégant. À la Cour de Danemarck, il n’y a pas un danseur qui lui vienne à la cheville. Totor a un ami de cœur, un aminche comme il dit. Si vous les voyiez danser, lui et son aminche — j’adore ce mot — Armand, surnommé l’Éventré, parce qu’il a reçu un coup de couteau près du nombril. Armand, c’est le