Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 4 Antechrist, Levy, 1873.djvu/608

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

de prendre ce titre[1], pouvaient produire des bandes de fanatiques analogues aux Indépendants de Cromwell ; ils ne pouvaient rien fonder de durable. Ces éruptions fébriles étaient l’indice du profond travail qui minait le sein d’Israël, et qui, en lui faisant suer le sang pour l’humanité, devait nécessairement l’amener à périr dans d’affreuses convulsions.

Les peuples doivent choisir, en effet, entre les destinées longues, tranquilles, obscures de celui qui vit pour soi, et la carrière troublée, orageuse de celui qui vit pour l’humanité. La nation qui agite dans son sein des problèmes sociaux et religieux est presque toujours faible comme nation. Tout pays qui rêve un royaume de Dieu, qui vit pour les idées générales, qui poursuit une œuvre d’intérêt universel, sacrifie par là même sa destinée particulière, affaiblit et détruit son rôle comme patrie terrestre. Il en fut ainsi de la Judée, de la Grèce, de l’Italie ; il en sera peut-être ainsi de la France. On ne porte jamais impunément le feu en soi. Jérusalem, ville de bourgeois médiocres, aurait poursuivi indéfiniment sa médiocre histoire. C’est parce qu’elle eut l’incomparable honneur d’être le berceau du christianisme qu’elle fut victime des Jean de Gischala, des Bar-

  1. Jos., B. J., VII, viii, 6 ; x, 1.