Page:Renan - L’Avenir de la science, pensées de 1848.djvu/265

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même objet, c’est-à-dire au plus excellent. Entre les littératures anciennes, il faudrait exclusivement cultiver la littérature grecque ; entre celles de l’Orient, la littérature sanskrite, et celui qui consacrerait ses travaux à telle médiocre littérature serait un maladroit. Chacune de ces études n’a de valeur que par sa place dans le tout, et par ses relations avec la science de l’esprit humain. Les études orientales, par exemple, se subdivisent en trois ou quatre branches principales, à chacune desquelles un petit nombre de savants se consacrent d’une manière exclusive, de sorte que les recherches relatives aux littératures qui ne sont pas l’objet de leurs études n’ont pour eux aucun intérêt. Il résulte de là que celui qui fait un travail spécial sur les littératures chinoise, persane, tibétaine, peut espérer d’avoir en Europe une douzaine de lecteurs. Et encore ces lecteurs, étant occupés de leur côté de leurs travaux spéciaux, n’ont pas le temps de s’occuper de ceux des autres, et n’y jettent qu’un coup d’œil superficiel, de sorte qu’au résumé dans ces études chacun travaille pour lui seul. Étrange renversement ! Est-ce à dire qu’il fût désirable que chaque orientaliste s’occupât de toutes les langues de l’Asie ? Non certes. Mais ce qui serait à désirer, c’est que les savants les plus spéciaux eussent le sentiment intime et vrai de leur œuvre, et que les esprits philosophiques ne dédaignassent pas de s’adresser à l’érudition pour lui demander la matière de la pensée. Car, je le répète, si le monographe seul lit sa monographie, à quoi bon la faire ? Il serait trop étrange que la science n’eût d’autre but que de servir ainsi d’aliment à la curiosité de tel ou tel. Les sciences diverses, d’ailleurs, ont des problèmes communs ou analogues quant à la forme, lesquels sont sou-