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argumentation sophistique. Il y avait dans Mahomet beaucoup de réflexion et même un peu de ce qu’on pourrait à la rigueur appeler imposture (120). Les faits qui suivirent l’établissement de l’islamisme, et qui sont si propres à montrer comment les religions se consolident, sont tous aussi du domaine de l’histoire.

Le buddhisme n’a pas cet avantage. L’induction et la conjecture auront une large part dans l’histoire de ses origines. Mais quelles inappréciables lumières ne fournira pas pour découvrir les lois d’une formation religieuse, ce vaste développement, si analogue au christianisme, qui de l’Inde a envahi une moitié de l’Asie, et envoyé des missionnaires depuis les terres séleucides jusqu’au fond de la Chine. Le problème du christianisme primitif ne sera parfaitement mûr que le jour où M. Eugène Burnouf aura terminé son Introduction à l’histoire du buddhisme indien.

Or le livre le plus important du xixe siècle devrait avoir pour titre Histoire critique des origines du christianisme. Œuvre admirable que j’envie à celui qui la réalisera, et qui sera celle de mon âge mûr, si la mort et tant de fatalités extérieures qui font souvent dévier si fortement les existences ne viennent m’en empêcher ! On s’obstine à répéter sur ce sujet des lieux communs pleins d’inexactitude. On croit avoir tout dit quand on a parlé de fusion du judaïsme, du platonisme et de l’orientalisme, sans qu’on sache ce que c’est qu’orientalisme, et sans qu’on puisse dire comment Jésus et les apôtres avaient reçu quelque tradition de Platon. C’est qu’on n’a point encore songé à chercher les origines du christianisme là où elles sont en effet, dans les livres deutéro-canoniques, dans les apocryphes d’origine, juive, dans la Mischna,