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jugement de cause (119). Toutes les narrations des âges primitifs étaient subjectives celles des âges réfléchis sont objectives. La critique consiste à retrouver, dans la mesure du possible, la couleur réelle des faits d’après les couleurs réfractées à travers le prisme de la nationalité ou de l’individualité des narrateurs.

La vraie histoire de la philosophie est donc l’histoire des religions. L’œuvre la plus urgente pour le progrès des sciences de l’humanité serait donc une théorie philosophique des religions. Or comment une telle théorie serait-elle possible sans l’érudition ? L’islamisme est certes bien connu des arabisants : nulle religion ne se laisse toucher d’aussi près, et pourtant, dans les livres vulgaires, l’islamisme est encore l’objet des fables les plus absurdes et des appréciations les plus fausses. L’islamisme, pourtant, bien qu’il soit la plus faible des religions au point de vue de l’originalité créatrice (la sève était déjà épuisée), est d’une importance majeure dans cette étude comparée, parce que nous avons des documents authentiques sur ses origines ; ce que nous n’avons pour aucune autre religion. Les faits primitifs de l’apparition des religions se passant tous dans le spontané, ne laissant aucune trace. La religion ne commence à avoir conscience d’elle-même que quand elle est déjà adulte et développée, c’est-à-dire quand les faits primitifs ont disparu pour jamais. Les religions, non plus que l’homme individuel, ne se rappellent leur enfance, et il est bien rare que des documents étrangers viennent lever l’obscurité qui entoure leur berceau. L’islamisme seul fait exception à cet égard : il est né en pleine histoire ; les traces des disputes qu’il dut traverser et de l’incrédulité qu’il dut combattre existent encore. Le Coran n’est d’un bout à l’autre qu’une