Page:Renan - L’Avenir de la science, pensées de 1848.djvu/311

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l’expression la plus simple du naturalisme. Différence plus remarquable encore toutes les religions sémitiques sont essentiellement monothéistes ; cette race n’a jamais eu de mythologie développée. Toutes les religions indo-germaniques, au contraire, sont ou le panthéisme ou le dualisme, et possèdent un vaste développement mythologique ou symbolique (127). Il semble que les facultés créatrices des religions aient été chez les peuples en raison inverse des facultés philosophiques. La recherche réfléchie, indépendante, sévère, courageuse, philosophique en un mot, de la vérité, semble avoir été le partage de cette race indo-germanique, qui, du fond de l’Inde jusqu’aux extrémités de l’Occident et du Nord, depuis les siècles les plus reculés jusqu’aux temps modernes, a cherché à expliquer Dieu, l’homme et le monde au sens rationaliste, et a laissé derrière elle comme échelonnés aux divers degrés de son histoire ces systèmes, ces créations philosophiques, toujours et partout soumis aux lois constantes et nécessaires d’un développement logique. Les Sémites, au contraire, qui n’offrent aucune tentative d’analyse, qui n’ont pas produit une seule école de philosophie indigène (128), sont par excellence la race des religions, destinée à leur donner naissance et à les propager. A eux ces élans hardis et spontanés d’âmes encore jeunes, pénétrant sans effort et comme d’un mouvement naturel dans le sein de l’infini, descendant de là toutes trempées d’une rosée divine, puis exhalant leur enthousiasme par un culte, une doctrine mystique, un livre révélé. L’école philosophique a sa patrie sous le ciel de la Grèce et de l’Inde ; le temple et la science sacerdotale, s’expliquant en énigmes et en symboles, voilant la vérité sous le mystère, atteignant souvent plus haut, parce qu’elle est moins inquiète de regarder en