Page:Renan - L’Avenir de la science, pensées de 1848.djvu/329

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Là est sa poésie ; là sont ses souvenirs héroïques ; là est sa législation, sa politique, sa morale ; là est son histoire ; là est sa philosophie et sa science ; là, en un mot, est sa religion. Car tout ce premier développement de l’esprit humain s’opère sous forme religieuse. La religion, le livre sacré des peuples primitifs, est l’amas syncrétique de tous les éléments humains de la nation. Tout y est dans une confuse mais belle unité. De là vient la haute placidité de ces œuvres admirables l’antithèse, l’opposition, la distinction en étant bannies, la paix et l’harmonie y règnent, sans être jamais troublées. La lutte est le caractère de l’état d’analyse. Comment, dans ces grandes œuvres primitives, la religion et la philosophie, la poésie et la science, la morale et la politique se seraient-elles combattues, puisqu’elles reposent côte à côte dans la même page, souvent dans la même ligne ? La religion était la philosophie, la poésie était la science, la législation était la morale ; toute l’humanité était dans chacun de ses actes, ou plutôt la force humaine s’exhalait tout entière dans chacune de ses exertions.

Voilà le secret de l’incomparable beauté de ces livres primitifs, qui sont encore les représentations les plus adéquates de l’humanité complète. C’est folie que d’y chercher spécialement de la science ; notre science vaut incontestablement bien mieux que celle qu’on peut y trouver. C’est folie d’y chercher de la philosophie ; nous sommes incontestablement meilleurs analystes. C’est folie que d’y chercher de la législation et du droit public nos publicistes s’y entendent mieux et c’est peu dire. Ce qu’il y faut chercher, c’est l’humanité simultanée, c’est la grande harmonie de la nature humaine, c’est le portrait de notre belle enfance. De là encore la superbe poésie de ces types