Page:Renan - L’Avenir de la science, pensées de 1848.djvu/374

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tiraillements pour un pouvoir assurément beaucoup moindre et de sa part la moindre violence révoltait, car elle s’imposait. La mesure des violences qu’un pouvoir est obligé de déployer pour se maintenir, et surtout l’indignation qu’excitent ses violences, est la mesure de son illégitimité. Nous sommes légitimistes à notre manière. Le gouvernement légitime est celui qui se fonde sur la raison du temps ; le gouvernement illégitime est celui qui emploie la force ou la corruption pour se maintenir malgré les faits.

C’est pour n’avoir pas compris la différence de ces deux âges de l’humanité que l’on fait tant de sophismes sur les rapports de l’Église et de l’État. Dans le premier âge, celui où il y a une religion vraie, qui est la forme de la société, l’État et la religion sont une même chose, et, bien loin que l’État salarie la religion, la religion se soutient par elle-même, et c’est plutôt l’État qui, a certains jours, fait appel à l’Église. Elle est même supérieure à l’État, puisque l’État y puise son principe. Mais aux époques où l’État n’ayant aucune croyance dit à tout le monde « Je n’entends rien en théologie, croyez ce qu’il vous plaira », il ne doit salarier (alors seulement naît ce mot ignoble) aucun culte, ou, ce qui revient à peu près au même, il doit les salarier tous. Ce qu’il donne aux religions n’est qu’une aumône ; elles doivent rougir en le recevant, et je comprends bien l’indignation des ultramontains ardents, quand ils voient Dieu figurer sur le budget de l’État comme un fonctionnaire public. À ces époques, il n’y a plus que des opinions. Or, pourquoi l’État salarierait-il une opinion ? Je conçois l’État reconnaissant un seul culte ; je le conçois ne reconnaissant aucun culte ; mais je ne le conçois pas reconnaissant tous les cultes (149). La théorie libérale de i’indifférentisme est superficielle. Il faut