Page:Renan - L’Avenir de la science, pensées de 1848.djvu/383

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bon, le rejeter s’il est mauvais. S’il y avait une classe légalement définissable de gens qui ne pussent faire ce discernement, il faudrait surveiller ce qu’on leur dit car la liberté n’est tolérable qu’avec le grand correctif du bon sens public, qui fait justice des erreurs. C’est pour cela que la liberté de l’enseignement est une absurdité, au point de vue de l’enfant. Car l’enfant, acceptant ce qu’on lui dit sans pouvoir en faire la critique, prenant son maître non comme un homme qui dit son avis à ses semblables afin que ceux-ci l’examinent, mais comme une autorité, il est évident qu’une surveillance doit être exercée sur ce qu’on lui enseigne et qu’une autre liberté doit être substituée à la sienne pour opérer le discernement. Comme il est impossible de tracer des catégories entre les adultes, la liberté devient, en ce qui les concerne, le seul parti possible. Mais il est certain qu’avant l’éducation du peuple toutes les libertés sont dangereuses et exigent des restrictions. En effet, dans les questions relatives à la liberté d’exprimer sa pensée, il ne faut pas seulement considérer le droit qu’a celui qui parle, droit qui est naturel et n’est limité que par le droit d’autrui, mais encore la position de celui qui écoute, lequel n’ayant pas toujours le discernement nécessaire est comme placé sous la tutelle de l’État. C’est au point de vue de celui qui écoute et non au point de vue de celui qui parle que les restrictions sont permises et légitimes. La liberté de tout dire ne pourra avoir lieu que lorsque tous auront le discernement nécessaire, et que la meilleure punition des fous sera le mépris du public.

Que ne puis-je faire comprendre comme je le sens que toute notre agitation politique et libérale est vaine et creuse, qu’elle serait bonne dans un État où les esprits