Page:Renan - L’Avenir de la science, pensées de 1848.djvu/401

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dances, qui ne sont point encore arrivées à se formuler d’une manière pratique.

Là est donc le secret de notre situation. L’état actuel étant défectueux et senti défectueux, quiconque se propose comme pouvant y apporter le remède est le bienvenu. Le lendemain d’une révolution se pose le germe d’une autre révolution. De là la faveur assurée à tout parti qui n’a pas encore fait ses preuves. Mais aussitôt qu’il a triomphé, il est aussi embarrassé que les autres car il n’en sait pas davantage. De là, l’impopularité nécessaire de tout pouvoir, et la position fatale faite à tout gouvernement. Car on exige de lui sur l’heure ce qu’il ne peut donner, et ce que personne ne possède, la solution du problème du moment. Tout gouvernement devient ainsi, par la force des choses, un point de mire exposé a tous les coups, et est fatalement condamné à ne pouvoir remplir sa tâche. C’est une tactique déloyale de rappeler aux gouvernants ce qu’ils ont dit et promis durant leur période d’opposition, et de les mettre en contradiction avec eux-mêmes ; car cette contradiction est nécessaire, et ceux qui déclarent si fermement qu’ils feraient autrement s’ils étaient au pouvoir, mentent ou se trompent. S’ils étaient au pouvoir, ils subiraient les mêmes nécessités et feraient de même. Depuis soixante ans, il n’y a pas eu un chef de l’État qui ne soit mort sur l’échafaud ou dans l’exil, et cela était nécessaire. Tout autre aura le même sort, si une loi périodique, qui lui serait au fond plus favorable qu’on ne pense, ne vient à temps le délivrer du pouvoir. Comment voulez-vous qu’on ne succombe pas sous une tâche impossible ? Au fond, cela fait honneur à la France cela prouve qu’elle s’est fait une haute idée du parfait. C’est notre gloire d’être difficiles et mécontents. La mé-