Page:Renan - L’Avenir de la science, pensées de 1848.djvu/416

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antique est obstinément attaché aux usages nationaux. Il n’en est pas de même chez nous, puisque le jour où la France a détruit son vieil établissement a été le jour où a commencé son épopée. Pour moi, j’imagine que, dans cinq cents ans, l’histoire de France commencera au Jeu de Paume et que ce qui précède sera traité en arriere-plan, comme une intéressante préface, à peu près comme ces notions sur la Gaule antique, dont on fait aujourd’hui précéder nos Histoires de France.

C’est un facile lieu commun que de parler à tout propos de palingénésie sociale, de rénovation. Il ne s’agit pas de renaître, mais de continuer à vivre l’esprit moderne, la civilisation, est fondée à jamais, et les plus terribles révolutions ne feront que signaler les phases infiniment variées de ce développement. En prenant comme nécessaire le grand fait de l’invasion des barbares, et le critiquant a priori, on trouve qu’il eût pu se passer de deux manières. Dans la première manière (celle qui a eu lieu en effet), les barbares, plus forts que Rome, ont détruit l’édifice romain, puis, durant de longs siècles, ont cherché à rebâtir quelque chose sur le modèle de cet édifice et avec des matériaux romains. Mais une autre manière eût été également possible. Rome était parvenue à s’assimiler parfaitement les provinces, et à les faire vivre de sa civilisation ; mais elle n’avait pu agir de même sur les barbares qui se précipitèrent au ive et au ve siècle. On ne peut croire que cela eût été à la rigueur impossible, quand on voit l’empressement avec lequel les barbares, dès leur entrée dans l’empire, embrassent les formes romaines, et se parent des oripeaux romains, des titres de consuls, de patrices, des costumes et des insignes romains. Nos Mé-