Page:Renan - L’Avenir de la science, pensées de 1848.djvu/482

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pas des hommes d’action, mais des hommes de pensée et de sentiment, et on laissera ce vulgaire labeur aux esprits inquiets, et toutes les âmes nobles et élevées, abandonnant la terre à ceux qui en ont le goût, tenant pour choses indifférentes les formes de gouvernement, les noms des gouvernants et leurs actes, se réfugieront sur les hauteurs de la nature humaine, et, brûlant de l’enthousiasme du beau et du vrai, créeront cette force nouvelle qui, descendant bientôt sur la terre, renversera les frêles abris de la politique, et deviendra à son tour la loi de l’humanité. Il ne faut pas demander aux gouvernements plus qu’ils ne peuvent donner. Ce n’est pas à eux de révéler à l’humanité la loi qu’elle cherche. Tout ce qu’on peut leur demander, aux époques comme la nôtre, c’est de maintenir tant bien que mal les conditions de la vie extérieure, de manière qu’elle soit tolérable. Il faut souhaiter aussi, sans l’espérer, qu’ils ne persécutent pas trop les efforts dans le sens nouveau. L’humanité fera le reste, sans demander permission à personne.

Nu ! ne peut dire de quel point du ciel apparaîtra l’astre de cette rédemption nouvelle. Ce qu’il y a de sûr, c’est que les bergers et les mages l’apercevront encore les premiers, c’est que le germe est déjà posé, et que, si nous savions voir le présent avec les yeux de l’avenir, nous démêlerions dans la complication de l’actuel la fibre imperceptible qui portera la vie à l’avenir. C’est au sein de la putréfaction que se développe le germe de la vie future, et personne n’a droit de dire : Celle-ci est une pierre réprouvée ; car peut-être sera-ce la pierre angulaire de l’édifice futur. Un sage des premiers siècles eût-il jamais pu croire que l’avenir était à cette secte méprisée, insociable, convaincue de la haine du genre humain, qui ne se présentait à