Page:Renan - L’Avenir de la science, pensées de 1848.djvu/486

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galerie des Batailles, la salle des Maréchaux, celles des diverses campagnes ; j’avais vu des sacres de rois ou d’empereurs, des cérémonies royales, des prises de villes, des généraux, des princes, des grands seigneurs, des figures sottes ou insolentes, quand tout à coup je me pris à me demander : Où est donc la place de l’esprit ? Voilà les grands de chair, des fats, des gens sans idée, sans morale, qui ont bien peu fait pour l’humanité. Mais où est donc la galerie des saints, la galerie des philosophes, la galerie des poètes, la galerie des savants, la galerie des penseurs ? Je vois Louis XIV fondant je ne sais quel ordre nobiliaire, et je ne vois pas Vincent de Paul fondant la charité moderne ; je vois des scènes de cour plus ou moins insignifiantes, et je ne vois pas Abélard, au milieu de ses disciples, discutant les problèmes du temps sur la montagne Sainte-Geneviève ; je vois le serment du Jeu de Paume, et je ne vois pas Descartes, enfermé dans son poêle, jurant de ne pas lâcher prise qu’il n’ait découvert la philosophie. Je vois des physionomies brutales, grossières, sans idéal, et je ne vois pas Gerson, Calvin, Molière, Rousseau, Voltaire, Montesquieu, Condorcet, Lavoisier, Laplace, Chénier. Bossuet et Fénelon y sont plutôt à titre de courtisans qu’à titre d’hommes de l’esprit. Serait-ce que Rousseau et Montesquieu auraient moins fait pour la gloire de la France et le progrès de l’humanité que tel général obscur ou, tel courtisan oublié ? C’en est fait, me disais-je, l’esprit est déshérité. Mais non. Au-dessus des uniformes terrasses du palais-musée, voyez s’élever ce majestueux édifice que couronne le signe du Christ. Entrez, et dites-moi si aucune gloire vaut la gloire de celui qui siège là-bas. Napoléon, dont le nom a fait des miracles, ne trône pas sur un autel. Dieu soit loué ! la