Page:Renan - L’Avenir de la science, pensées de 1848.djvu/489

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seau de marcher à quatre pieds. Il est puéril d’en appeler contre la civilisation raffinée à l’état sauvage ; il faut en appeler à la civilisation vraie, dont la Grèce nous offre un incomparable exemple. Ce qu’il nous faut, en fait de mœurs, c’est la Grèce moins l’esclavage. Ou trouver une plus large part faite à l’individu, plus d’originalité personnelle, plus de spontanéité, plus de dignité ? Nous ne comprenons, nous autres, que la majesté royale ou aristocratique. La majesté de l’idéal se confond pour nous avec celle de la religion, que nous reléguons par delà l’humanité, et quant à la majesté du peuple, nous ne la comprenons pas, parce qu’elle n’existe pas. Athènes, au contraire, c’est l’humanité pure. M. de Maistre a dit que la majesté est toute romaine. Non certes. Le Jupiter Olympien et la Pallas grecque, Salamine et le Pirée, le Pnyx et l’Acropole ont leur majesté mais cette majesté est vraie et populaire ; au lieu que la majesté romaine est montée, machinée. Il n’y avait pas deux tons à Athènes ; au contraire, les fines mœurs du temps d’Auguste étaient à peu près celles de notre aristocratie, et à côté de cela se trouvait un peuple ridicule.

Il n’y a de majesté que celle de l’humanité vraie, celle de la poésie, celle de la religion, celle de la morale. Les autres prestiges à un certain jour deviennent ridicules. Il est dans la force des choses que tout ce qui n’a été imposé que par surprise, excite le rire, dès que le prestige est détruit. On veut se venger de ses respects passés, sitôt que l’échafaudage est dépouillé de sa tenture. Il faut, pour les grossières illusions du respect extérieur, une simplicité que nous n’avons plus ; nous sommes trop fins pour ne pas soulever le voile. Nous avons abattu la vieille idole du respect ; une idole ne se relève pas. Comment, je vous