Page:Renan - L’Avenir de la science, pensées de 1848.djvu/512

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intolérable, nous sommes revenus au passé, et nous avons accepté telle quelle la doctrine qu’il nous léguait. Quand on ne sait plus créer de cathédrales, on les gratte, on les imite. Car on peut se passer d’originalité religieuse ; mais on ne peut se passer de religion.

Les individus traversent dans leur vie intérieure des phases analogues. En l’âge de la force, quand l’esprit critique est encore dans sa vigueur, que la vie apparait comme une proie appétissante, et que le plein soleil de la jeunesse verse ses rayons d’or sur toute chose, les instincts religieux se contentent à peu de frais ; on vit avec joie sans doctrine positive ; le charme de l’exercice intellectuel adoucit toute chose, même le doute. Mais quand l’horizon se rapproche, quand le vieillard cherche à dissiper les froides terreurs qui l’assiègent, quand la maladie a épuisé la force généreuse qui fait penser hardiment, alors il n’est pas de si ferme rationaliste qui ne se tourne vers le Dieu des femmes et des enfants, et ne demande au prêtre de le rassurer et de le délivrer des fantômes qui l’obsèdent sous ce pâle soleil. Ainsi s’expliquent les faiblesses de tant de philosophes en leurs derniers jours. Il faut une religion autour du lit de mort ; laquelle ? n’importe ; mais il en faut une. I! me semble bien en ce moment que je mourrais content dans la communion de l’humanité et dans la religion de l’avenir. Hélas je ne jurerais rien, si je tombais malade. Chaque fois que je me sens affaibli, j’éprouve une exaltation de la sensibilité et une sorte de retour pieux.

Mole sua stat : telle est de nos jours la raison d’être du christianisme. Qui ne s’est arrêté, en parcourant nos anciennes villes devenues modernes, au pied de ces gigantesques monuments de la foi des vieux âges ? Tout s’est