Page:Renan - L’Avenir de la science, pensées de 1848.djvu/527

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plus féconds de la poésie moderne. Après celle de Jouffroy, je n’en connais pas de plus vraies que celles de Louis Feuerbach, un des représentants les plus avancés de l’école ultra-hégélienne (Souvenirs de ma vie religieuse, à la suite de la Religion de l’avenir). Ce regret ne se remarque pas chez les premiers sceptiques (les philosophes du xviiie siècle par exemple) lesquels détruisaient avec une joie merveilleuse et sans éprouver le besoin d’aucune croyance, préoccupés qu’ils étaient de leur œuvre de destruction et du vif sentiment de l’exertion de leur force.

(41) Héraclite concevait les astres comme des météores s’allumant à temps dans des réceptacles préparés à cette fin, sortes de chaudrons, qui, en nous tournant leur partie obscure, produisent les phases, les éclipses, etc. Anaxagore croit que la voûte du ciel est de pierre, et conçoit le soleil et les astres comme des pierres enflammées. Cosmas Indicopleustès imagine le monde comme un coffre oblong ; la terre forme le fond ; aux quatre côtés s’élèvent de fortes murailles, et le ciel forme le couvercle cintré. Les Hébreux supposaient le ciel semblable à un miroir d’airain (Job, xxxvii, 18), soutenu par des colonnes (Job, xxvi, 11) ; au-dessus sont les eaux supérieures, qui en tombent par des soupapes ou fenêtres munies de barreaux, pour former la pluie (Ps. Lxxviii, 23 ; Geu., vii, 11 ; viii. 2). Strepsiade se faisait un système de météorologie analogue, quoique un peu plus burlesque (Aristoph., Nuées, v. 372).

(42) Dirai-je que l’on peut déjà en soupçonner quelque chose ? En effet, le terme du progrès universel étant un état où il n’y aura plus au monde qu’un seul être, un état où toute la matière existante engendrera une résultante unique, qui sera Dieu ; où Dieu sera l’âme de l’univers, et l’univers le corps de Dieu, et où, la période d’individualité étant traversée, l’unité, qui n’est pas l’exclusion de l’individualité, mais l’harmonie et la conspiration des individualités, régnera seule on conçoit, dis-je, que dans un pareil état, qui sera le résultat des efforts aveugles de tout ce qui a vécu, où chaque individualité, jusqu’à celle du dernier insecte, aura eu sa part, toute individualité se retrouve, comme dans le son lointain d’un immense concert. C’est ainsi, du moins, que j’aime à l’entendre. Voir d’admirables pages de Spiridion, présentées cependant sous des formes trop substantielles.

(43) Admirable expression de Schiller.

(44) Je parle surtout ici de la France. Les succès de M. Ronge et des Catholiques allemands prouvent qu’un mouvement religieux n’est pas