Page:Renan - L’Avenir de la science, pensées de 1848.djvu/536

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une ouverture en forme de cœur, et c’est par là que la tête voit le jour. On a soin qu’elle soit tellement disposée à l’intérieur que l’œil seul se montre à la lucarne. De temps en temps, on enterre ces reliques, et la procession passe à l’entour tous les dimanches.

(97) C’est pour cela que l’homme du peuple est bien plus sensible à la gloire patriotique que l’homme plus réfléchi, qui a une individualité prononcée. Celui-ci peut se relever par lui-même, par ses talents, ses titres, ses richesses. L’homme du peuple, au contraire, qui n’a rien de tout cela, s’attribue comme un patrimoine la gloire nationale et s’identifie avec la masse qui a fait ces grandes choses. C’est son bien, son titre de noblesse à lui : Là est le secret de cette puissante adoption de Napoléon par le peuple. La gloire de Napoléon est la gloire de ceux qui n’en ont pas d’autres.

(98) Et encore ceux qui savent comment se font la plupart de ces recensions sont d’avis que, dans beaucoup de cas, le monographe ne saurait compter sur un seul lecteur. Le grand art des recensions, n’est plus, comme du temps de Fréron, de juger du tout par la préface ; c’est maintenant d’après le titre qu’on se met à disserter à tort et à travers sur le même sujet que l’auteur.

(99) Les historiens du xviie siècle qui ont prétendu écrire et se faire lire, Mezerat, Velly, Daniel, sont aujourd’hui parfaitement délaissés, tandis que les travaux de Du Cange, de Baluze, de Duchesne et des bénédictins, qui n’ont prétendu que recueillir des matériaux, sont aujourd’hui aussi frais que le jour où ils parurent.

(100) La perfection du Parthénon consiste surtout en ce que les parties non destinées à être vues sont aussi soignées que les parties destinées à être vues. Ainsi dans la science.

(101) Eugène Burnouf, Comment. sur le Yaçna, préf., p. v. — Voyez dans le Journal des Savants, avril 1848, quelques excellentes pensées de M. Biot sur le respect qui est dû aux travaux antérieurs.

(102) Il faut en dire autant de la connaissance que les Arabes du moyen âge eurent de la littérature grecque.

(103) En voici un exemple qui n’intéressera pas seulement les théologiens. A propos du célèbre passage Regnum meum non est de hoc mundonunc autem regnum meum est hinc (Joann., xviii, 36), plusieurs écoles, dans des intentions très différentes, ont insisté sur le νῦν δέ et, le traduisant par maintenant, en ont tiré diverses conséquences. Cette remarque inexacte n’eût pas été si souvent répétée, si l’on eût su que cet idiotisme νῦν δέ est la traduction littérale d’une locution hébraïque (ve-atta), qui sert de conjonction adversative,