Page:Renan - Lettres intimes 1842-1845, calmann-levy, 1896.djvu/176

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propre à faire connaître les hommes et les choses et à former en nous cette raison qui ne saurait être le fruit que de l’expérience et du contact avec les hommes. Ce n’est pas, je te l’avoue, que je me croie jamais destiné à être un homme d’action proprement dit ; je crois que la pensée serait plutôt mon domaine ; mais je ne laisse pas de croire que, même sous ce rapport, la pratique, sinon l’habitude des voyages, n’ait encore de grands et inappréciables avantages, en élevant l’esprit au-dessus des préjugés partiels et bornés, où est comme resserré de force celui qui n’a respiré que l’atmosphère des opinions de son pays.

Toutefois, je me demande souvent si, eu égard à l’avenir vers lequel se tourneraient mes goûts, ces années qui resteront à ma disposition ne pourraient pas être plus utilement employées à d’autres études. Dans l’état actuel de mes idées, je n’oserais répondre ; tu sens bien que, par là, je ne veux nullement préjudicier à la liberté que je me réserve de prendre à l’avenir une résolution sur ce point. En tout cas, ce ne pourrait guère être avant dix-huit mois ; car je désire passer encore l’année pro-