Page:Renan - Lettres intimes 1842-1845, calmann-levy, 1896.djvu/205

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c’est en trompant la faim et non en la rassasiant. Enfin, ma bonne Henriette, béni soit Dieu qui nous avait réservé ce doux repos, ce remède à tous les maux. Je fais trêve aux pensées d’avenir ; ce n’est pas que dans l’état de ma vie habituelle, ces pensées me troublent : je tâche de les maîtriser et de m’en occuper sans en être occupé. Mais ici, si quelques occasions les ramènent à ma pensée, c’est plutôt pour y rêver que pour y penser, et après tout le rêve n’est pas un mal, surtout en vacances. — J’ai trouvé notre bonne mère parfaitement bien : son isolement, quoique si profond, elle le supporte à merveille. C’est le plus heureux caractère que j’ai connu de ma vie. Sa santé m’a semblé aussi dans un état très satisfaisant. — Sa tendresse fait à elle seule tout l’agrément de mes vacances. Je suis difficile sur le choix de ceux à qui j’accorde ma confiance et mon amitié ; et le caractère de ceux qui m’entourent me porte peu à lier parmi eux de nouvelles connaissances. Le clergé de ce pays, quoique respectable, est circonscrit dans un cercle de vues si étroites, que je craindrais qu’un contact