Page:Renan - Nouvelles lettres intimes 1846-1850, Calmann Levy, 1923.djvu/464

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

s’oppose aussi à ce que je parte tout de suite, à cause de l’état humide et encore froid de l’atmosphère ; rien ne me serait, dit-il, plus nuisible. Il me faut donc attendre, très cher ami ; mais j’espère, oh ! oui, j’espère que l’attente ne sera plus très longue. Je t’assure, mon bien-aimé, que pour bien des motifs je voudrais l’abréger. Je suis seule à la ville, tous les autres sont restés à Clemonsow. Le voyage (cinquante lieues) m’a un peu fatiguée ; mais que je suis contente d’être venue, d’avoir enfin les conseils d’un homme qui m’inspire de la confiance ! — Ami, ami, sois courageux on lisant ces tristes lignes, Espère, oh ! espère que le Ciel te conservera ta vieille amie, celle qui t’a toujours si tendrement aimé. Il ne s’agit pas d’une maladie aiguë ; ce que j’ai a très vite passé à l’état chronique. Il me faudrait du soleil et de la chaleur, mais le moyen de m’en procurer ? — A mains jointes, ma douce idole, je te supplie de supporter courageusement ma destinée  ; tout n’y a pas été rigueur : je l’ai si tendrement chéri !… Nuit et jour je cause avec toi dans mon cœur et ma pensée. Au milieu de ma solitude, solitude sans égale, je ne me sépare pas un instant de ton souvenir, et c’est en te prenant idéalement la main que je supporte les remèdes douloureux qu’on emploie contre mon mal. On me souffle maintenant, trois fois par jour, de la poudre d’alun dans la gorge ; c’est très désagréable, mais je trouve que cela me fait du bien. J’ai un très bon médecin, cher ami ; les premiers docteurs de Paris, au milieu desquels