Page:Renan - Souvenirs d’enfance et de jeunesse.djvu/164

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nète recèlera toujours, quels que soient ses épuisements. Le faucon est la part infiniment plus forte d’égoïsme et de grossièreté qui constitue le train du monde. Le sage rachète la liberté du bien et du beau en abandonnant sa chair aux avides, qui, tandis qu’ils mangent ces dépouilles matérielles, le laissent en repos, ainsi que ce qu’il aime. Les balances descendues du ciel sont la fatalité : on ne la fléchit pas, on ne lui fait point sa part ; mais, au moyen de l’abnégation absolue, en lui jetant sa proie, on lui échappe ; car elle n’a plus alors de prise sur nous. Quant au faucon, il se tient tranquille dès que la vertu, par ses sacrifices, lui procure des avantages supérieurs à ceux qu’il atteindrait par sa propre violence. Tirant profit de la vertu, il a intérêt à ce qu’il y en ait ; ainsi, au prix de l’abandon de sa partie matérielle, le sage atteint son but unique, qui est de jouir en paix de l’idéal.