Page:Renan - Vie de Jesus, edition revue, 1895.djvu/101

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les Logia de Matthieu, qu’ils paraissent avoir constitué une variété de l’Évangile attribué à cet apôtre, et qu’ils furent l’Évangile des ébionim, c’est-à-dire de ces petites chrétientés de Batanée qui gardèrent l’usage du syro-chaldaïque, et qui paraissent à quelques égards avoir continué la ligne de Jésus. Mais il faut avouer que, dans l’état où ils nous sont arrivés, ces Évangiles sont inférieurs, pour l’autorité critique, à la rédaction de l’Évangile de Matthieu que nous possédons.

On comprend maintenant, ce semble, le genre de valeur historique que j’attribue aux Évangiles. Ce ne sont ni des biographies à la façon de Suétone, ni des légendes fictives à la manière de Philostrate ; ce sont des biographies légendaires. Je les rapprocherais volontiers des légendes de Saints, des Vies de Plotin, de Proclus, d’Isidore, et autres écrits du même genre, où la vérité historique et l’intention de présenter des modèles de vertu se combinent à des degrés divers. L’inexactitude, qui est un des traits de toutes les compositions populaires, s’y fait particulièrement sentir. Supposons qu’il y a quinze ou vingt ans, trois ou quatre vieux soldats de l’Empire se fussent mis chacun de leur côté à écrire la vie de Napoléon avec leurs souvenirs. Il est clair que leurs récits offriraient de nombreuses erreurs, de fortes