Page:Renan - Vie de Jesus, edition revue, 1895.djvu/174

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pas dans les traditions de l’esprit juif. Les anciens écrits hébreux ne renferment aucune trace de rémunérations ou de peines futures. Pendant que l’idée de la solidarité de la tribu exista, il était naturel qu’on ne songeât pas à une stricte rétribution selon les mérites de chacun. Tant pis pour l’homme pieux qui tombait à une époque d’impiété ; il subissait comme les autres les malheurs publics, suite de l’impiété générale. Cette doctrine, léguée par les sages de l’école patriarcale, aboutissait chaque jour à d’insoutenables contradictions. Déjà du temps de Job, elle était fort ébranlée ; les vieillards de Théman qui la professaient étaient des hommes arriérés, et le jeune Elihu, qui intervient pour les combattre, ose émettre dès son premier mot cette pensée essentiellement révolutionnaire : « La sagesse n’est plus dans les vieillards[1] ! » Avec les complications qui s’étaient introduites dans le monde depuis Alexandre, le principe thémanite et mosaïque devenait plus intolérable encore[2]. Jamais Israël n’avait été plus fidèle à la Loi, et pourtant on avait subi l’atroce persécution d’An-

  1. Job, xxxiii, 9.
  2. Il est cependant remarquable que Jésus, fils de Sirach, s’y tient strictement (xvii, 26-28 ; xxii, 10-11 ; xxx, 4 et suiv. ; xli, 1-2 ; xliv, 9). L’auteur de la Sagesse est d’un sentiment tout opposé (iv, 1, texte grec).