Page:Renan - Vie de Jesus, edition revue, 1895.djvu/475

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C’est là qu’au sein d’une pieuse amitié, Jésus oubliait les dégoûts de la vie publique. Dans ce tranquille intérieur, il se consolait des tracasseries que les pharisiens et les scribes ne cessaient de lui susciter. Il s’asseyait souvent sur le mont des Oliviers, en face du mont Moria[1], ayant sous les yeux la splendide perspective des terrasses du temple et de ses toits couverts de lames étincelantes. Cette vue frappait d’admiration les étrangers ; au lever du soleil surtout, la montagne sacrée éblouissait les yeux et paraissait comme une masse de neige et d’or[2]. Mais un profond sentiment de tristesse empoisonnait pour Jésus le spectacle qui remplissait tous les autres Israélites de joie et de fierté. « Jérusalem, Jérusalem, qui tues les prophètes et lapides ceux qui te sont envoyés, s’écriait-il dans ces moments d’amertume, combien de fois j’ai essayé de rassembler tes enfants comme la poule rassemble ses petits sous ses ailes, et tu n’as pas voulu[3] ! »

Ce n’est pas que plusieurs bonnes âmes, ici comme

  1. Marc, xiii, 3.
  2. Josèphe, B. J., V, v, 6.
  3. Matth., xxiii, 37 ; Luc, xiii, 34. Ces mots, comme Matth., xxiii, 34-35, sont, à ce qu’il semble, une citation de quelque prophétie apocryphe, peut-être d’Hénoch. Voir les passages rapprochés dans la note 4 des pages xlii-xliii de l’introduction, et ci-dessous, p. 366, note 1.