Page:Renan - Vie de Jesus, edition revue, 1895.djvu/476

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en Galilée, ne se laissassent toucher. Mais tel était le poids de l’orthodoxie dominante, que très-peu osaient l’avouer. On craignait de se décréditer aux yeux des Hiérosolymites en se mettant à l’école d’un Galiléen. On eût risqué de se faire chasser de la synagogue, ce qui, dans une société bigote et mesquine, était le dernier affront[1]. L’excommunication, d’ailleurs, entraînait la confiscation de tous les biens[2]. Pour cesser d’être juif, on ne devenait pas romain ; on restait sans défense sous le coup d’une législation théocratique de la plus atroce sévérité. Un jour, les bas officiers du temple, qui avaient assisté à un des discours de Jésus et en avaient été enchantés, vinrent confier leurs doutes aux prêtres. « Est-ce que quelqu’un des prêtres ou des pharisiens a cru en lui ? leur fut-il répondu. Toute cette foule, qui ne connaît pas la Loi, est une canaille maudite[3] » Jésus restait ainsi à Jérusalem un provincial admiré des provinciaux comme lui, mais repoussé par toute l’aristocratie de la nation. Les chefs d’école étaient trop nombreux pour qu’on fût fort ému d’en voir paraître un de plus. Sa voix eut à Jérusalem peu d’éclat. Les

  1. Jean, vii, 13 ; xii, 42-43 ; xix, 38.
  2. I Esdr., x, 8 ; Épître aux Hébr., x, 34 ; Talm. de Jérus., Moed katon, iii, 1.
  3. Jean, vii, 45 et suiv.