Page:Renan - Vie de Jesus, edition revue, 1895.djvu/657

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de Jésus, la figure de Jésus étant chez lui plus roide, plus hiératique, comme celle d’un éon ou d’une hypostase divine, qui opère par sa seule volonté ; 8° que, si ses renseignements matériels sont plus exacts que ceux des synoptiques, sa couleur historique l’est beaucoup moins, en sorte que, pour saisir la physionomie générale de Jésus, les Évangiles synoptiques, malgré leurs lacunes et leurs erreurs, sont encore les véritables guides.

Naturellement, ces raisons favorables au quatrième Évangile seraient singulièrement confirmées, si l’on pouvait établir que l’auteur de cet Évangile est l’apôtre Jean, fils de Zébédée. Mais c’est ici une recherche d’un autre ordre. Notre but a été d’examiner le quatrième Évangile en lui-même, indépendamment de son auteur. Cette question de l’auteur du quatrième Évangile est sûrement la plus singulière qu’il y ait en histoire littéraire. Je ne connais aucune question de critique où les apparences contraires se balancent de la sorte et tiennent l’esprit plus complétement en suspens.

Il est clair d’abord que l’auteur veut se faire passer pour un témoin oculaire des faits évangéliques (i, 14 ; xix, 35) et pour l’ami préféré de Jésus (xiii, 22 et suiv. ; xix, 26 et suiv., comparés à xxi, 24). Il ne sert de rien de dire que le chapitre xxi est une addition, puisque cette addition est de l’auteur lui-même ou de son école. Dans deux autres endroits, d’ailleurs (i, 35 et suiv. ; xviii, 15 et suiv.), on voit clairement que l’auteur aime à parler de lui-même à mots couverts. De deux choses l’une : ou l’auteur du quatrième Évangile est un disciple de Jésus, un disciple intime et de la plus ancienne époque ; ou bien l’auteur a employé, pour se donner de l’autorité, un artifice suivi depuis le commencement du livre jusqu’à la fin, et tendant à faire croire