Page:Renan - Vie de Jesus, edition revue, 1895.djvu/658

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qu’il a été un témoin aussi bien placé que possible pour rendre la vérité des faits.

Quel est le disciple de l’autorité duquel l’auteur entend ainsi se prévaloir ? Le titre nous l’indique : c’est « Jean ». Il n’y a pas la moindre raison de supposer que ce titre ait été ajouté contrairement aux intentions de l’auteur réel. Il était sûrement écrit en tête de notre Évangile à la fin du iie siècle. D’un autre côté, l’histoire évangélique ne présente en dehors de Jean le Baptiste, qu’un seul personnage du nom de Jean. Il faut donc choisir entre deux hypothèses : ou reconnaître Jean, fils de Zébédée, pour l’auteur du quatrième Évangile ; ou regarder cet Évangile comme un écrit apocryphe composé par un individu qui a voulu le faire passer pour une œuvre de Jean, fils de Zébédée. Il ne s’agit pas ici, en effet, de légendes, œuvres de la foule, dont personne ne porte la responsabilité. Un homme qui, pour donner créance à ce qu’il raconte, trompe le public non-seulement sur son nom, mais encore sur la valeur de son témoignage, n’est pas un légendaire ; c’est un faussaire. Tel biographe de François d’Assise, postérieur de cent ou deux cents ans à cet homme extraordinaire, peut raconter les flots de miracles créés par la tradition, sans cesser pour cela d’être l’homme du monde le plus candide et le plus innocent. Mais si ce biographe vient dire : « J’étais son intime ; c’est moi qu’il préférait ; tout ce que je vais vous dire est vrai, car je l’ai vu, » sans contredit la qualification qui lui convient est tout autre.

Ce faux ne serait pas, du reste, le seul que l’auteur aurait dû commettre. Nous avons trois épîtres qui portent également le nom de l’apôtre Jean. S’il y a quelque chose de probable en fait de critique, c’est que la première au moins de ces épîtres est du même auteur que le quatrième Évangile. On en dirait presque un chapitre détaché.