Page:Renard - L’Écornifleur, Ollendorff, 1892.djvu/71

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quer de vivres. Je lui offris de porter un panier de provisions. Elle refusa. Je n’insistai pas, car j’étais loin de l’aimer jusqu’à me charger de paquets.

Ainsi, j’allais faire un assez long voyage avec une jeune femme, et je ne songeais pas qu’il me serait possible de mettre à profit l’aventure. D’autres préoccupations m’absorbaient.

Il était neuf heures du matin. Vers onze heures il faudrait manger. À chaque instant Madame Vernet me disait :

— « Je sens la faim qui monte. »

Ou bien encore :

— « J’ai l’estomac dans mes talons. »

Ce chassé-croisé m’inquiétait. Il faudrait donc la voir manger, et sans doute faire comme elle, dans ce compartiment de première, où des gens graves et ayant des idées en harmonie avec la classe des wagons qu’ils occupaient, d’abord étonnés, nous regarderaient, et détourneraient ensuite la tête par dégoût.

— « Oui, c’est reçu. On ne peut pas passer douze heures en chemin de fer sans prendre quelque chose ; — mais comment va-t-elle faire pour manger, « dans un silence de mort »,