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Poil de Carotte

de la famille chez ces ballots de laine. Comment l’expliquer ? Peut-être par la finesse de leur nez.

Il a presque envie d’en boucher un, pour voir.

Il compare profondément les hommes avec les moutons, et voudrait connaître les petits noms des agneaux.

Tandis qu’avides ils sucent, leurs mamans, les flancs battus de brusques coups de nez, mangent, paisibles, indifférentes. Poil de Carotte remarque dans l’eau d’une auge des débris de chaîne, des cercles de roues, une pelle usée.

— Elle est propre, votre auge ! dit-il d’un ton fin. Assurément, vous enrichissez le sang des bêtes au moyen de cette ferraille !

— Comme de juste, dit Pajol. Tu avales bien des pilules, toi !

Il offre à Poil de Carotte de goûter l’eau. Afin qu’elle devienne encore plus fortifiante, il y jette n’importe quoi.

— Veux-tu un berdin ? dit-il.

— Volontiers, dit Poil de Carotte sans savoir ; merci d’avance.

Pajol fouille l’épaisse laine d’une mère et