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les moutons

attrape avec ses ongles un berdin jaune, rond, dodu, repu, énorme. Selon Pajol, deux de cette taille dévoreraient la tête d’un enfant comme une prune. Il le met au creux de la main de Poil de Carotte et l’engage, s’il veut rire et s’amuser, à le fourrer dans le cou ou les cheveux de ses frère et sœur.

Déjà le berdin travaille, attaque la peau. Poil de Carotte éprouve des picotements aux doigts, comme s’il tombait du grésil. Bientôt au poignet, ils gagnent le coude. Il semble que le berdin se multiplie, qu’il va ronger le bras jusqu’à l’épaule.

Tant pis, Poil de Carotte le serre ; il l’écrase et essuie sa main sur le dos d’une brebis, sans que Pajol s’en aperçoive.

Il dira qu’il l’a perdu.

Un instant encore, Poil de Carotte écoute, recueilli, les bêlements qui se calment peu à peu. Tout à l’heure, on n’entendra plus que le bruissement sourd du foin broyé entre les mâchoires lentes.

Accrochée à un barreau de râtelier, une limousine aux raies éteintes semble garder les moutons, toute seule.