Page:Restif de la Bretonne - Mes inscripcions, éd. Cottin, 1889.djvu/129

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propriétaire exclusif de son bien, de ses talens, de sa vertu, de sa beauté, de sa force, de ses lumières. Par le pacte social, il a mis tout cela en commun. Les maux, les abus, les vices ne viennent que de l’idée mal digérée qu’ont les hommes qu’ils sont propriétaires de quelque chose, dans l’état de sociabilité. »

Le nivellement des propriétés s’ensuit naturellement, et Restif commence par s’appliquer à lui-même la conséquence de ses principes : « J’avais désiré de laisser cinquante mille livres, comme mon père. Mais je considère que c’est trop, puisqu’il serait impossible que chaque citoyen en laissât autant, car il faudrait alors que la France eût un milliard quatre cents millions d’arpents de terre, vignes, prés, bois, à cent cinquante livres l’arpent, ce qui est à peu près le prix moyen… »

On trouve la même pensée dans Mes Inscriptions : « Les parcs immenses de nos richards anéantissent des générations[1]. » Le luxe doit, en effet, être banni de la nouvelle société rêvée par Restif : « Nul propriétaire ne pourra faire des parcs inutiles, des jardins anglais… Tout terrain sera utilement employé[2]. » Et aux partisans du luxe, à ceux qui prétendent y voir un écoulement de marchandises, un « stimulant des arts, du commerce, de toute activité, de toute industrie », il répond : « Nous sommes dix hommes réunis en société, sur un terrain maigre. Notre travail, à tous

  1. v. § 704, p. 193.
  2. Nuits de Paris, p. 1535. V. aussi Monsieur Nicolas, t. IX, p. 12.