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Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 14, 1883.djvu/19

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LA FAMILLE VERTUEUSE

Lyon, à ce que j’appris, et la même dont Bonne et Sophronie m’avaient fait l’histoire. Un homme riche, M. du Lisse, s’en était épris^ l’avait épousée, et lui avait fait sa fortune. D’après cela, je ne vis plus le quai comme une double galerie marchande : il me parut un palais enchanté. Une foule de jolies filles garnissaient les boutiques ; l’éclat des lumières les rendait encore plus belles : on aurait dit qu’on était à la fête que l’Empereur de la Chine donne dans son palais, et où toute la Cour déguisée vend ou achète. Je me trouvai dans une ivresse d’exaltation inconcevable : j’avais un insurmontable besoin d’écrire. Je ne connaissais pas, comme aujourd’hui, cet état d’effervescence, sans lequel il n’y a ni auteurs, ni poètes ; j’en étais à mon premier Ouvrage ; mais combien en est-il, parmi ceux qui se mêlent d’écrire, qui n’ont jamais éprouvé ce feu divin, qui force à être auteur !… J’étais prote alors. A mon arrivée chez moi, rempli du feu qui me dévorait, je mis la main à la plume, et j’esquissai le commencement d’un roman, qu’on trouvera dans la Femme infidèle, à la fin de la première Partie, et au commencement de la seconde. J’y travaillai cinq à six jours. Mais je ne fus pas content de cet essai, que j’abandonnai plus de six mois. Ce ne fut que l’année suivante, 1766, qu’humilié de la scène qui m’était arrivée chez M. Bourgeois, père de Rose, je voulus me relever, en me faisant honneur. Une vive énergie me fit surmonter les premiers dégoûts et cette lassitude de travail qui