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soulignant, il empruntait seulement des mannequins sur lesquels il drapait ses propres étoffes. « Il était né peintre » (i). Seul un défaut de la vue l’a empêché de se consacrer à l’art de la peinture, mais jusqu’à sa mort il en rêvait, et son gendre, M. Emile Bergerat, nous raconte (2) que, dans ses dernières années, il avait commencé un tableau allégorique : Mélancolie, qu’il voulait envoyer au Salon sous un pseudonyme. Lui-même nous apprend avec ses parasols, ses chapeaux en cône ornés de clochettes, et ses rohes chamarrées de larges fleurs et de petits serpents ailés. Quelle variété ! Quelle vie ! Quel mouvement ! Le candide Percgrinus Tyss, maître Flok, la ravissante petite Péri Doerje, la modiste Jacinthe, qui essaie si coquettement les robes de ses pratiques, le peintre et sa fille, que sais-je, moi ! Tant de silhouettes bouffonnes, tant de portraits de femmes aériennes comme des esquisses de Lawrance, tant de peintures fraîches ou chaleureuses, des selves sel vaggié de Salvator, des intérieurs de Feméri, et puis, dans Marius Falieri, des points de vue de Venise que l’on croit échappés du pinceau de Canaletto.

Je sais bien qu’il ne manque pas, malgré tout cela, de gens qui traitent Hoffmann d’auteur absurde et extravagant, mais qu’est-ce que cela prouve ? Il y a bien des gens qui disent que Victor n’est pas poète !

(1) Chronique de Paris, i836, i4 août. (2) Emile Faguet. X/.Y e siècle, Etudes littéraires. Paris, Sociélé d’imprimerie et de librairie, p. 3oi.

(3) Emile Bergerat : Th. Gautier, Souvenirs et correspondance, 3 e édition. Charpentier, 1800.