Page:Retté - Le Symbolisme. Anecdotes et souvenirs.djvu/165

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Il a tenu parole. C’est pourquoi je ne puis que transcrire ici quelques-unes des phrases de la dédicace que je lui fis de mon livre Aspects : « La stricte justice et aussi mon amitié veulent, mon cher Deschamps, que je te dédie ce livre. Lorsque tu me confias le soin d’exprimer, dans La Plume, un sentiment sur la production littéraire contemporaine, tu spécifias : « Il est bien entendu que tu diras absolument tout ce que tu voudras. » Tu n’as jamais manqué à cette parole. Ni la vente de ta revue interdite en Russie, ni les insinuations de quelques « chers confrères », ni les réclamations de « lecteurs assidus » que mon cynisme révoltait ne te firent varier. J’ai toujours eu chez toi une liberté qui ne m’aurait été concédée nulle part. »

Robuste, de caractère gai, bien armé contre les vilenies du monde des lettres, Deschamps était aussi un travailleur acharné. Sa revue était sa vie : il lui donnait tout ; et sur les vingt-quatre heures de la journée il en consacrait toujours au moins douze au développement et au perfectionnement de l’œuvre qu’il avait entreprise. De là, un succès qui lui était bien dû. De par lui, La Plume, combative, lyrique et frondeuse à la fois, a contribué, plus que tout autre de nos périodiques, à influencer la littérature contemporaine.

Deschamps est mort à la tâche. Mais, du moins, il s’est en allé chez les ombres avec la joie d’avoir honnêtement et vaillamment servi les écrivains de sa génération.