Page:Reval - La cruche cassee.djvu/23

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La plus grande préoccupation de madame Robert, depuis six mois que le capitaine a pris sa retraite, est de préparer le mariage de ses filles. Elle connaît trop la vie militaire, ses exigences, pour souhaiter que ses enfants, qui n’ont point de dot, épousent des officiers. D’ailleurs, qui pouvaient-elles trouver au régiment ? un lieutenant sans avenir, ou un commandant près d’être retraité. C’était trop maigre en vérité. Suzie surtout méritait mieux.

Ne serait-il pas plus sage d’aller planter ses choux dans un petit trou, moitié ville, moitié village, où la vie ne serait pas très chère, où la moindre toilette paraîtrait du luxe, où l’on pourrait, peut-être, ne pas continuer à s’endetter, et vivre comme des gens riches avec les trois mi lie francs de retraite du capitaine ? Quelles jeunes filles pourraient éclipser les siennes, si bien élevées, instruites ! — Aline avait son brevet élémentaire, Suzie aurait son certificat — toutes deux avaient le chic des grandes villes et l’usage du monde, elles sauraient recevoir, au besoin même aider leur mari à jouer un rôle politique dans le canton. Que de qualités et de charmes ! Madame Robert ne doutait pas de l’avenir de ses filles : le tout était de passer au crible les situations et les fortunes, afin de réserver pour Aline et Suzie ce que Gondreville comptait de meilleur.

Dans ses calculs, madame Robert n’oubliait jamais de mettre en balance, du côté gendre, la fortune ; du côté de ses filles, l’ascendance nobiliaire. « Ma mère, disait-elle volontiers à ses amis, avait épousé en secondes noces, le fils d’un baron de l’Empire, le baron Ledoyen ; ils n’eurent point d’enfant, mais