Page:Reval - La cruche cassee.djvu/37

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II


Durant les premières années de son mariage, le capitaine Robert avait coutume de dire à sa femme :

— Isabelle, quand nous prendrons notre retraite, nous choisirons un joli pays avec bois, rivières, vignes, chasse et pêche ; nous y achèterons un lopin de terre, je ferai bâtir. Tu auras un salon pour recevoir tes amies, moi un hangar, où je mettrai mon établi, des outils, afin de bricoler tout le jour ; les enfants auront leur jardin, le chien aura sa niche, et je te permettrai d’élever des poules.

Pendant vingt ans, le brave homme avait rêvé de ce paradis des retraités : être libre, ne dépendre ni du commandant, ni du colonel, ni du général, ni du ministre ; pouvoir fumer sa pipe sur le banc de sa maison, jouir de l'aube, jouir des étoiles, sans avoir la crainte perpétuelle du planton de service ! Que de fois il l'avait vu venir à l'improviste : « Mon capi-