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LA FRANCE VIS-A-VIS DE L’ALLEMAGNE[1]

Je suis heureux qu’une revue de Suisse m’ait posé une question qui revient à dire : « Dans quels rapports pensez-vous que la France et l’Allemagne puissent vivre après cette guerre ? » C’est un problème auquel les hommes qui ont coutume de réfléchir aux choses politiques doivent attacher leur esprit. Nous le traiterons sans passion, en partant des données expérimentales.

Au point de vue purement humain, il est normal et naturel qu’une guerre décisive, surtout quand elle a été une guerre de peuple à peuple, laisse au vaincu du ressentiment contre le vainqueur, tandis que le vainqueur, satisfait, ne comprend pas que le vaincu lui garde rancune. Telle a été, grossièrement résumée, l’histoire des relations franco-allemandes de 1871 à 1914. Cette histoire a été, si l’on veut, celle d’un énorme malentendu, mais d’un malentendu qui était fatal de la part des Allemands. Elle s’est terminée d’une manière qui, dans la suite des siècles, enchantera également les moralistes vertueux et les moralistes railleurs. Les vainqueurs de Sedan ont, d’eux-mêmes, remis leur victoire en question. Bismarck leur avait pourtant assez répété de sages conseils qu’il résumait par le précepte : Quieta non movere. A défaut de Bismarck, le bon sens indiquait (et c’est ce qui empêchait certains Français de croire à la possibilité de la guerre) que l’Allemagne devait éviter de casser quoi que ce fût dans une Europe formée à sa convenance, d’attenter à un état de choses dont elle était l’unique bénéficiaire, et au maintien

  1. Nous publierons, dans un prochain numéro, une étude sur L’Allemagne vis-à-vis de la France, par un écrivain allemand.