Page:Revue de Genève, tome 1, 1920.djvu/868

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rante, mais, fille émancipée, elle a vécu jusqu’ici d’une vie indépendante, s’est forgée un langage à elle, et ne s’est pas fait faute de mépriser sa mère naturelle, qui du reste le lui a bien rendu. Le moment serait venu de rétablir les liens familiaux qui doivent les unir, de réintégrer la psychanalyse dans le foyer maternel qu’elle enrichira et revivifiera.

Sans doute pourrait-on reprocher aux psychanalystes d’affecter trop souvent une attitude sectaire et dogmatique, qui n’a rien de scientifique ; il leur arrive de confondre les hypothèses avec les faits, d’ignorer le doute méthodique, et ils s’imaginent volontiers qu’une théorie est un credo. Aussi les voit-on en proie aux querelles intestines, divisés en petites chapelles ennemies entre elles, et hermétiquement closes aux profanes, qu’ils abordent avec un air semi-mystérieux de supériorité satisfaite, comme s’ils étaient les hiérophantes de quelque doctrine ésotérique. — Mais ce sont là faiblesses humaines, et les infirmités ou les étroitesses des disciples ne sauraient entrer en ligne de compte dans l’appréciation objective de la théorie, ni par conséquent en amoindrir la valeur.

Et cette valeur est grande. En insistant sur le côté dynamique des phénomènes subconscients la psychanalyse est pour la psychologie un ferment vivifiant. La psychologie expérimentale, qui s’est appliquée à nous renseigner sur le mécanisme des processus mentaux a presque complètement oublié de sonder les raisons des mouvements de ces mécanismes. Ce sont ces ressorts cachés que la psychanalyse a cherché à découvrir et à décrire.

Par la nouveauté des idées qu’elle nous suggère, par la fécondité dont elle a fait preuve, l’œuvre de Sigmund Freud constitue l’un des événements les plus importants qu’ait jamais eu à enregistrer l’histoire de la science de l’esprit

Edouard CLAPARÈDE.