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LE SOVIET DE PÉTROGRAD

Il arrivera que l’empereur allemand, les propriétaires fonciers allemands, les capitalistes allemands nous écraseront sous leur talon, prendront nos terres, nos villes et nous frapperont de lourdes contributions… En défendant votre liberté, évitez les pièges et les provocations. La fraternisation sur le front est un de ces pièges. Avec qui peuvent fraterniser nos armées révolutionnaires ? Seulement avec une armée révolutionnaire qui aurait pris la décision de mourir pour la paix et la liberté. Pour le moment, ce n’est pas le cas de l’armée allemande ou austro-hongroise, même s’il y a des hommes de conscience et de probité dans son sein. Là, les armées suivent leur Guillaume et leur Charles, leurs propriétaires fonciers, leurs capitalistes ; ils combattent pour accaparer des terres, pour piller ; leur état-major escompte à la fois notre crédulité et l’aveugle obéissance de ses soldats… Écartez de vous tout ce qui peut diminuer la force combative de votre armée, tout ce qui peut abattre votre esprit ; votre puissance de combat sert la cause de la paix.


Lénine ne s’est pas mépris sur l’esprit de cet appel à l’armée ; il l’a fortement combattu dans son journal Pravda. Sans se laisser émouvoir, le Soviet a continué de prêcher contre la fraternisation sur le front ; en même temps, il insiste sur la nécessité de jeter les bases d’une union étroite entre les soldats et les officiers.

Tout le monde, en effet, s’est aperçu, dès les premiers jours de la Révolution, que l’affaiblissement de l’armée provenait en grande partie de la méfiance qui existait entre les soldats et les chefs, quelques-uns de ces derniers renonçant difficilement aux habitudes de l’ancien régime et notamment à la pratique des châtiments corporels ; on a compté, dans une seule unité, 143 officiers sur 144 ayant coutume de gifler leurs soldats.

L’attitude du Soviet s’est encore accentuée après que ses membres se sont décidés à entrer dans le Gouvernement provisoire reconstitué. L’entente s’établit alors sur le programme extérieur ; c’est le nouveau ministre des Affaires étrangères, M. Teretchenko, qui l’a formulée, et sa formule se trouve rapportée dans le No du Bulletin du Soviet, en gros caractères :


Mon programme est bref : obtenir le plus vite possible une paix universelle sans annexions ni contributions, sur la base du droit des peuples de disposer de leurs destinées, en étroite union avec nos alliés et les démocraties de l’Occident. Je constate avec une profonde