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LA REVUE DE PARIS

militaire. Son retour à New-York, en 1898, fut triomphal. Cette année 1898 était précisément une année d’élections. Ses concitoyens de New-York l’élurent gouverneur. En ce poste, il continua la tâche épuratrice[1]. Ses idées d’honnêteté faisaient sourire les politiciens, mais son caractère les gênait dans leurs combinaisons. Le gouverneur, dans ses messages, traitait ouvertement de questions que la « machine » jugeait inopportun de porter ainsi devant le public. Il s’attaquait aux conditions extraordinaires que la connivence des politiciens avait fait obtenir aux diverses entreprises exploitant des concessions. Aussi quand, en 1900, il demanda le renouvellement de son mandat de gouverneur, les politiciens de New-York s’avisèrent de le faire élire vice-président des États-Unis. Ils se débarrassaient ainsi d’un censeur gênant, et ils comptaient que, après avoir rempli pendant quatre ans les fonctions honorifiques de vice-président, qui l’éloignaient de tout rôle actif, la popularité de Roosevelt serait oubliée. Il dut s’incliner devant la volonté du parti républicain. Mais la fin dramatique de M. Mac Kinley vint déjouer tous les calculs et porter soudainement au premier rang l’homme qu’on avait voulu en tenir éloigné.

L’entrée de Roosevelt à la Maison Blanche fit naître bien des espérances et plus encore d’appréhensions. Les uns voyaient en lui un réformateur radical, qui oserait enfin engager ouvertement la lutte contre tous les tyrans : contre le système du « bossism », qui fait des boss, des sénateurs, autant de dictateurs dans leurs États respectifs, et, plus encore, contre la puissance formidable des trusts, qui asservissent la démocratie américaine au bon plaisir des capitalistes. Les autres craignaient son caractère ardent, ses sentiments impérialistes, auxquels il avait donné libre cours pendant la campagne électorale de 1900 ; ils redoutaient une politique extérieure d’aventures.

Les premiers oubliaient que, s’il est entré dans la politique comme indépendant, Roosevelt n’a pas longtemps conservé cette attitude : dans son court passage à la législature de

  1. WS : épuratrice->épuratoire ou épurative.