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LA PREMIÈRE PRÉSIDENCE DE M. ROOSEVELT

On le guettait sur le terrain diplomatique. Jadis, M. Roosevelt avait salué avec joie la guerre contre l’Espagne, la « guerre étrangère la plus absolument juste dans laquelle une nation se soit engagée durant le xixe siècle » ; il avait applaudi également aux acquisitions territoriales qui en résultèrent. La destruction de la puissance espagnole aux Philippines laissait aux Américains, pensait-il, un devoir auquel il eût été indigne de se dérober. Livrés à eux-mêmes, les Philippins étaient incapables de se gouverner ; ils ne pouvaient que tomber dans une anarchie plus dommageable encore que l’ancienne tyrannie de l’Espagne. Lorsque M. Roosevelt arriva à la présidence, l’insurrection philippine était presque entièrement terminée, et le gouvernement civil avait déjà fait place, dans la plus grande étendue des îles, au gouvernement militaire. Il put, le 4 juillet 1902, proclamer la paix rétablie dans l’archipel, remplacer partout les autorités militaires et, usant de son droit de grâce, accorder une amnistie générale à tous les Philippins qui avaient porté les armes contre les États-Unis.

Mais certains voudraient que les États-Unis fissent tout de suite aux Philippines ce qu’ils ont fait à Cuba, et rétablissent l’indépendance, en ne conservant sur les îles qu’un protectorat virtuel. Le Président a toujours répondu qu’une pareille mesure témoignerait d’une hâte inconsidérée : causant bientôt de graves embarras aux États-Unis, elle ne pourrait qu’être fatale aux Philippins eux-mêmes. Mais il a toujours protesté qu’il n’entendait pas maintenir indéfiniment le lien de dépendance. « Notre but, dit-il, est élevé. Nous ne voulons pas nous borner à faire pour les Philippins ce qui a été fait ailleurs pour les peuples des Tropiques, même par les meilleurs gouvernements étrangers. Nous espérons faire pour eux ce qui n’a jamais été fait auparavant pour aucun peuple des Tropiques : leur apprendre à se gouverner eux-mêmes, à l’exemple des nations réellement libres. » Ce ne sont pas là vaines paroles. Les Américains aux Philippines dirigent résolument leur administration vers ce but. Les fonctions mu-