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LA REVUE DE PARIS

nicipales, sauf à Manille, sont remplies par des Philippins élus au suffrage restreint. Les Philippins siègent, à côté de juges américains, à la cour suprême de l’archipel. Enfin, des Philippins ont été appelés dans la commission, qui est l’organe législatif actuel pour les îles, et la loi du 1er juillet 1902, qui a reçu l’approbation du Président, prévoit la réunion prochaine, à côté de ce conseil législatif, d’une assemblée élue.

Cette question des Philippines a obligé la population américaine à prendre soudainement parti sur une question de la plus grande importance pour l’avenir même des États-Unis. Jadis, la politique traditionnelle de Monroe limitait les efforts américains au Nouveau-Monde ; la République américaine répudiait l’attitude belliqueuse, les ambitions conquérantes des nations européennes ; elle s’applaudissait de pouvoir soustraire ses citoyens aux lourdes charges que fait peser sur l’Europe son appareil militaire et naval. Mais, ayant achevé la conquête économique de leur territoire, les Américains ont compris l’impossibilité de rester isolés ; ils ont été entraînés à leur tour par le même mouvement d’expansion qui a entraîné tous les peuples de l’Europe. Leurs intérêts ont débordé leurs frontières ; leur activité entreprenante leur a montré la possibilité de gains fructueux sur les marchés étrangers. Du coup, leur isolement était détruit : ils se trouvaient désormais en rivalité avec les autres puissances, sur tous les points du globe. La nation devait-elle abandonner à leurs seules forces ceux de ses citoyens qui allaient ainsi répandre son influence ? Pouvait-elle se désintéresser de toute action extérieure ? Le respect de la tradition, la crainte de l’inconnu, la claire vision des périls nouveaux faisaient hésiter l’opinion. Au nombre de ceux qui proclamaient la nécessité d’un changement de politique, M. Roosevelt se distingua comme un des plus ardents :

Nous ne pouvons demeurer tranquillement assis à l’intérieur de nos frontières, pressés les uns contre les autres, et déclarer que nous ne sommes qu’une réunion de petits commerçants aisés qui ne se soucient aucunement de ce qui se passe au dehors. Semblable politique irait d’ailleurs contre ses propres fins ; car, à mesure que croissent les nations, qu’elles ont des intérêts de plus en plus étendus, et