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FACHODA

drait de lui-même et que la reprise du Soudan s’effectuerait un jour dans des conditions moins onéreuses. Le caractère de M. Gladstone exclut d’ailleurs les combinaisons artificieuses. Il a renouvelé l’acte de prudence qu’il avait déjà accompli dans l’Afrique du Sud quand, après la défaite de Majuba-Hill, il préféra reconnaître l’indépendance des Boers plutôt que de prolonger une lutte meurtrière. Le sacrifice dut même lui paraître moins pénible au Soudan, car il ne se compliquait d’aucun traité engageant l’avenir.

Un second reproche adressé aux Anglais et qui ne me semble pas plus fondé, c’est d’avoir méconnu les droits du Sultan en obligeant le Khédive à abandonner des territoires qui ne lui appartenaient pas et dont il n’était que le gérant. Mais le Khédive n’a pas « abandonné » le Soudan, au sens juridique du mot, il n’a pas déclaré qu’il y renonçait pour toujours il ne l’a ni cédé ni aliéné. En l’évacuant, il a obéi à des nécessités stratégiques, il a exécuté une simple opération militaire. Si le Sultan, qui n’ignorait pas ces conjonctures, estimait que le cas de force majeure n’existait pas, il pouvait comme souverain se substituer au Khédive et faire occuper le Soudan par ses propres troupes. C’est au cas seulement où l’Angleterre s’y serait opposée qu’il aurait eu lieu de se plaindre de la violation de ses droits. Mais la question n’a pas pris cet aspect et, si l’on reste dans la donnée officielle, le reproche manque de base. Tout au plus pourrait-on prétendre que le Soudan n’était pas indéfendable en 1885, et que dès lors le gouvernement britannique aurait dû le conserver au Khédive. Mais ce sont là des appréciations de fait, bien difficiles à justifier, et qui ne touchent pas au point de droit.



Les choses sont demeurées en l’état et le Soudan a été soustrait de fait à la domination égyptienne jusqu’en 1896, époque où fut résolue la marche sur Dongola.

Pendant cette période, intervinrent un certain nombre d’actes diplomatiques, dont l’examen donne la clef du conflit de Fachoda. En 1890, l’Angleterre entreprit de régler avec l’Allemagne la situation de leurs colonies respectives sur la côte