Page:Revue de Paris - 1905 - tome 2.djvu/680

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
678
LA REVUE DE PARIS

orientale d’Afrique. La convention du 1er juillet réserve à la Grande-Bretagne le bassin du Haut-Nil « jusqu’aux confins de l’Égypte ». Cette clause, dans sa généralité, vise les territoires évacués dix ans auparavant. Mais à quel titre l’Angleterre traitait-elle ? Était-ce comme mandataire du Khédive, délégué lui-même du Sultan ? du Khédive maintenant ses droits sur une contrée, qu’il n’avait délaissée que temporairement et dans laquelle il se proposait de rentrer au moment favorable ? En ce cas, le gouvernement britannique devait le dire et le dire en termes formels. Or la convention est muette à cet égard. Donc l’Angleterre a dû, en traitant, considérer cette contrée comme définitivement perdue pour le Khédive et le Sultan, et comme étant devenue « la chose sans maître », res nullius. C’est à ce titre seul que le gouvernement britannique pouvait se prévaloir de la convention vis-à-vis des tiers. Mais alors cette convention ne valait elle-même que dans les limites où les territoires seraient effectivement occupés par les forces anglaises au moment où des tiers s’inscriraient contre elle. En résumé, la région réservée à l’Angleterre par le traité n’était réservée qu’à l’égard de l’Allemagne, qui s’y interdisait toute incursion. Mais elle n’était pas réservée à l’égard des autres puissances, puisqu’elle se trouvait, d’après l’Angleterre même, res nullius, et qu’elle appartiendrait dès lors au premier occupant, quel qu’il fût.

Cette remarque est capitale, car tout le reste en découle. Nous verrons bientôt avec quelle netteté elle a été formulée par le gouvernement français à l’occasion d’une seconde convention conçue dans le même esprit et présentant la même faiblesse. Le 12 mai 1894, le cabinet britannique, désireux — si l’on en croit le langage tenu à la Chambre des communes — de créer un État tampon entre le Nil et la France qui s’avançait sur le Haut-Oubanghi, conclut avec l’État indépendant du Congo un traité par lequel il s’assurait le fameux couloir nécessaire à son futur chemin de fer du Cap au Caire et, par contre, lui cédait à bail, sur la rive gauche du Nil, des territoires s’étendant depuis le lac Albert-Nyanza jusqu’à un point à déterminer au nord de Fachoda. Je n’ai pas besoin d’ajouter que l’Angleterre n’avait pas plus le droit de céder ces territoires qu’elle n’en avait eu à se les attribuer. L’affaire