Page:Revue de l'Orient Chrétien, vol. 12, 1907.djvu/204

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

était intelligente, et elle évita de paraître en sa présence. Certain jour cependant, son père se rendit à la ville voisine pour ses affaires et la laissa seule à la maison. Le frère venant selon son habitude la trouva seule et lui dit : Où est ton père ? Elle répondit : Il est allé à la ville. Le frère commença donc à être troublé et à lutter ; il voulait avoir commerce avec elle. Elle lui dit avec à propos : Ne te trouble pas, mon père ne revient pas encore, il n’y a que nous deux. Je sais que vous autres, moines, vous ne faites rien sans prier. Lève-toi donc et prie Dieu, puis nous ferons ce qu’il te mettra au cœur. Il ne le voulut pas et continuait d’être tenté. Elle lui dit : Tu as peut-être déjà connu une femme ? Il lui dit : Non, c’est pourquoi je veux savoir ce que c’est. Elle lui dit : Tu es troublé parce que tu ne connais pas la puanteur des malheureuses femmes. Puis, pour diminuer sa souffrance, elle lui dit : Je suis au temps de mes règles et personne ne peut m’approcher ni supporter ma puanteur. À ces paroles et à d’autres semblables, il rentra en lui-même et se mit à pleurer. Quand elle le vit calmé, elle lui dit : Si je t’avais écouté, nous aurions accompli le péché. De quel front pourrais-tu voir mon père, retourner au monastère et entendre le chœur des bienheureux lorsqu’ils chantent ? Je t’en supplie, mène désormais une vie pure et ne désire jamais, pour un plaisir court et honteux, perdre tous les travaux que tu as accomplis et te voir privé des biens éternels. Après avoir entendu ces paroles, le frère tenté me les raconta aussitôt, à moi qui les écris, et rendit grâces à Dieu, qui ne l’avait pas laissé complètement choir, grâce à la prudence et à la sagesse de celle-là.

53. — Un vieillard[1] avait un disciple, son esclave. Pour le vaincre, il l’amena à pratiquer une parfaite soumission au point qu’il lui disait : Va prendre le livre qui a été lu dans l’assemblée et jette-le dans un foyer bien allumé. L’autre fit sans hésiter ce qui lui était commandé et, lorsqu’il eut lancé le livre, le foyer s’éteignit afin de nous montrer que l’obéissance est belle, car c’est l’échelle du royaume des cieux.

54. — Quelqu’un vit rire un jeune moine et lui dit : Ne ris pas, frère, car tu chasses ainsi la crainte de Dieu.


SUR LE SAINT HABIT DES MOINES.


55. — Les vieillards dirent[2] que la cuculle est le symbole de l’innocence ; « l’analabos »[3] de la croix ; la ceinture de la force. Appliquons-nous donc à notre habit pour en porter toutes les parties avec empressement afin que nous ne paraissions pas porter un habit étranger.

56. — On raconte[4] qu’un certain vieillard était dans sa cellule, un frère vint de nuit pour le voir et, du dehors, l’entendit lutter et dire : En voilà assez, allez. [Et il disait encore][5] : Reste près de moi, ami. Le

  1. Paul, 103.
  2. M, 933, n° 115.
  3. Superhumerale.
  4. L, fol. 79v. B, p. 801, n° 267. Cf. B, p. 532, n° 243.
  5. Ces mots se trouvent dans L et B.