Page:Revue de métaphysique et de morale, avril-juillet 1921.djvu/15

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abstracto, et sans déterminer les conditions réelles de son exercice. Mais il faut s’entendre et préciser la signification concrète et réelle d’un mot que chaque parti définit à son gré. Partisan de la liberté, parce que la liberté est l’essence même de l’esprit, il ne veut pas que ceux qui la réclament à grands cris la renient et la déshonorent en fait. Pour que cette liberté ne soit pas une étiquette trompeuse, certaines conditions sociales, morales et intellectuelles sont requises. Pratiquement, elles n’existent pas en Italie, où le clergé se trouve encore dans une position privilégiée, et où nombreux sont ceux pour lesquels la liberté d’enseignement n’est pas la souveraineté de la raison dans l’ordre de la pensée. Dans un pays où n’existe pas encore la liberté religieuse, alors que la liberté civile et politique n’est pas entrée définitivement dans les mœurs, le principe absolu de la liberté d’enseignement est inapplicable : « l’égalité de toutes les conditions civiles » est la condition de cette liberté. « Qui dit liberté dit liberté de tous, privilège de personne. Mais qui dit liberté de tous, dit égalité de tous. » La liberté c’est au fond l’autonomie de la raison. — — Spaventa développe abondamment cette thèse contre ses adversaires de la Croix de Savoie et du Risorgimento. Ses articles sont surtout intéressants au point de vue historique. La discussion est allègrement conduite ; certaines pages, d’une ironie mordante, sont particulièrement bien venues. Le philosophe napolitain, journaliste d’occasion, s’y révèle comme un excellent polémiste.

PÉRIODIQUES

Mind. Nos 111-115, juillet 1919-juillet 1920. — Nous trouvons dans le Mind deux exposés de cette doctrine que certains philosophes américains opposent à la fois à l’idéalisme et au néo-réalisme, et qu’ils appellent le réalisme critique. R. W. Sellars (1919, p. 237-274) maintient, comme les néo-réalistes, que l’objet est indépendant de la connaissance, et distingue dans notre connaissance deux éléments : l’affirmation de l’existence d’une chose, et la conscience d’un contenu que nous identifions avec cette chose, mais qui en réalité est une fonction de l’organisme qui perçoit. « Le contenu de la perception n’est pas la chose qui existe… L’existant n’est pas une chose sensible. » Nous affirmons une réalité extra-organique, mais nous nous la représentons avec des qualités toutes empruntées à nos réactions organiques, et finalement à ce que l’on appelle le domaine du psychique. En même temps, M. Sellars soutient qu’il y a correspondance entre le contenu et l’objet, et tente ainsi d’échapper à l’agnosticisme, sans peut-être y parvenir. De même on peut se demander s’il échappe à l’idéalisme. Par instants, ce « réalisme critique » est bien proche de l’idéalisme de Berkeley.

C’est un autre aspect de cette même doctrine que développe A.-K. Rogers (1920, p. 294-312). Il met en lumière cet élément d’affirmation des objets qui caractérise la conscience ; contre les néo-réalistes anglais et américains, il insiste sur l’activité du sujet, sur le sentiment immédiat, sur la conscience, irréductibles à des relations.

On pourrait, dans une certaine mesure, rapprocher de ces théories l’article de M. Eddington (1920, p. 145-158), que l’on connaît pour ses travaux sur la théorie de la relativité. Les seules lois que nous connaissions vraiment, dit-il, ne sont pas des lois de la nature, mais des lois imposées par l’esprit dans son désir de définir quelque chose de constant. Sans doute, il y a des lois de la nature, par exemple la loi d’atomicité ; mais précisément, ce sont les lois que nous ne connaissons pas bien, que nous n’arrivons pas à formuler d’une façon générale, ni à faire cadrer avec notre conception du monde.

M. Galloway, tout en restant fidèle aux tendances qui le portent vers un idéalisme personnel, soutient qu’il faut mettre en lumière ce qu’il appelle le fondement réaliste de l’expérience ; il faut un milieu réel et continu, dans lequel plongent les monades, milieu qui est à la fois différent de la divinité, et sous sa dépendance absolue (1920, p. 72-76).

À propos d’une discussion avec M. W. Carr, M. Bosanquet montre ce qui fait pour lui le prix de l’extériorité, même dans une théorie d’inspiration hégélienne comme la sienne. « La prison de l’esprit et du corps, voilà en quoi consiste l’expérience esthétique. Il ne peut y avoir d’unité là où il n’y a rien à unifier ; et il ne peut y avoir d’unité profonde là où les facteurs de l’unité ne sont pas profondément opposés » (1920, p. 212-215). (Voir aussi p. 263 sur les rapports de la pensée et de son expression.) Et dans l’examen qu’il fait des travaux de l’école idéaliste italienne, il expose brièvement sa propre conception d’une totalité intemporelle supérieure à la