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R. BERTHELOT. l’astrobiologie et la pensée de l’asie

crois donc, m’appuyant à la fois sur ces traductions et sur la comparaison entre différents interprètes européens de la pensée chinoise primitive, pouvoir proposer comme vraisemblable dans son ensemble la reconstitution suivante.

§ 1. L’Agriculture et l’Ordre du Ciel.
Le Temps et l’Espace bio-célestes.

La Chine nous fournit dans ses plus anciennes traditions, d’après l’histoire légendaire de la civilisation que renferment les commentaires de l’Y-king et d’après les premiers chapitres de l’historien Sseu-ma-tsien, ce qu’on peut appeler une représentation « biocéleste » des choses. Elle considère la vie du Ciel dans son ensemble et l’ordre régulier qu’offrent les manifestations de cette vie, dans leur rapport avec les manifestations régulières de la vie végétale. Il n’y a pas encore là, comme plus tard, une « astrobiologie » reliant entre elles un ensemble de lois mathématiques ; mais c’est déjà plus que la représentation « bio-solaire » ou « bio-astrale » qui se borne à attribuer aux astres et avant tout au soleil des propriétés vitales analogues à celles que les hommes observent autour d’eux dans les animaux, dans les plantes ou dans les autres hommes.

Les hommes, d’après cet exposé, auraient d’abord été pêcheurs ou chasseurs, puis agriculteurs, sans passer par l’état nomade ce qui répond sans doute aux débuts de l’histoire chinoise. Les empereurs légendaires sont répartis sur plusieurs siècles avant 2200 A. C., date où aurait commencé, d’après la tradition chinoise, la première dynastie historique, celle des Hia. D’après cette tradition même, nous serions là en présence de dates postérieures à celles des premières dynasties sumériennes de la Basse-Chaldée, qui nous font remonter, comme les dynasties de l’Élam, au moins jusqu’à 3000 A. C. (L’Égypte ne semble pas moins ancienne. Et les villes mortes de la vallée de l’Indus, qui contiennent des objets pareils à ceux retrouvés à Our en Chaldée, remontent aussi à la même époque, au moins en ce qui concerne Mohenjo Daro.) Déjà vers 2800 A. C., donc avant toute civilisation chinoise, Sargon l’Ancien, roi d’Agadé (ville sumérienne), était en possession d’un ouvrage d’astrologie qui renfermait des prévisions liées avec des éclipses de soleil ; ce qui suppose, par conséquent, des observations méthodiques portant sur celles-ci et sur les mouvements