çaise est une expression que l’on doit
prendre ici dans un sens fort. L’objet du
cours que Delbos professait et du livre
qu’il méditait était d’étudier « les éléments
originaux de la philosophie française ».
Il voulait, en pleine guerre, et alors que
la pensée française était « dans la mêlée »,
placer sous les yeux de tous les lecteurs
impartiaux, les lettres de noblesse de notre
philosophie, montrer au monde ce que
nous ne devons qu’à nous-mêmes dans
ce que nous apportons, et en faire apparaître
toute la signification profondément
originale. Il ne pouvait certes pas être
question d’analyser toutes les doctrines
dans le détail, mais simplement, en considérant
les principales dans leur succession
chronologique, de montrer, à propos
de chacune d’elles, quelle nouveauté de
pensée et quelle suite d’idées les caractérise.
Les philosophes ainsi étudiés sont :
Descartes, Pascal, Malebranche, Fontenelle
et Bayle, Voltaire et Montesquieu,
Diderot et les Encyclopédistes, Buffon et
Lamarck, J.-J. Rousseau, Condillac et les
Idéologues, De Bonald et les Traditionalistes,
Maine de Biran, Saint-Simon et
Auguste Comte. Encore que l’on ne choisisse
qu’à regret parmi ces remarquables
exposés, il faut mettre à part, pour en
souligner l’excellence, les études sur Descartes,
Pascal, Malebranche. Condillac et
Maine de Biran ; il est difficile d’approcher
de plus près la perfection. Tous seront
sensibles à l’aisance de l’exposition et à
la sûreté de la pensée qui les caractérisent,
mais il n’y aura guère que les historiens
de la philosophie pour savourer
pleinement d’aussi extraordinaires réussites ;
pour en goûter la plénitude, la
maîtrise parfaite et pour joindre à toutes
ces satisfactions la surprise de s’y instruire.
Car ce n’est pas le moindre mérite de ce
livre destiné à tous que d’enrichir à
l’occasion les connaissances des spécialistes,
d’indiquer le travail qui reste à
faire et de poser les problèmes que l’histoire
devra résoudre. Comme les rares
livres vraiment excellents il le sera aux
diverses catégories de lecteurs de manières
différentes, mais il le sera pour tous. La
philosophie française telle qu’elle apparaît
dans ces pages est une philosophie préoccupée
du réel, de la vie, étroitement
alliée à la science d’une part, et d’autre
part, à la curiosité morale, systématique
certes, mais de cette systématisation qui
cherche l’ordre des choses plutôt que la
simple organisation des idées. Elle nous
apparaît donc assez différente de l’aspect
sous lequel on nous la représente généralement :
celui d’un sec et abstrait rationalisme.
Mais il ne fallait pas moins que des
analyses de doctrines aussi soucieuses de
la diversité de leurs éléments et de la
limitation réciproque que s’imposent leurs
tendances fondamentales pour plaider
cette cause et la gagner.
Les Médications psychologiques, études historiques, psychologiques et cliniques sur les méthodes de la psychothérapie, par le Dr Pierre Janet, membre de l’Institut, professeur de psychologie au Collège de France. – I. L’action morale, l’utilisation de l’automatisme. – II. Les Économies psychologiques. 2 vol., grand in-8o de 346 et 308 p., Paris, Alcan, 1919. – L’ouvrage complet formera trois volumes, consacrés aux principales méthodes de la psychothérapie. Chacun d’eux contient trois sortes d’études : 1o des études historiques sur les recherches et les pratiques qui ont joué un grand rôle dans la formation de certaines thérapeutiques intéressant à la fois les médecins et les psychologues, par exemple sur le magnétisme animal, sur la Christian Science de Mrs Eddy, sur l’Emmanuel Movement, le New Thought Movement, le traitement par le repos de Weir Mitchell, par l’isolement, par la psycho-analyse de Freud, sur la métallothérapie, l’æsthésiogénie, etc. ; 2o des études pour préciser le sens des mots suggestion, hypnotisme, désinfection morale, refoulement des tendances, liquidation morale, etc. ; 3o des observations cliniques sur diverses psycho-névroses et leur évolution.
Les études du premier groupe abondent en renseignements biographiques curieux et en anecdotes savoureuses qui, mieux que des critiques, préparent l’opinion du lecteur sur les doctrines de divers thaumaturges américains ou thérapeutes de la lignée de Mesmer. Peut-être l’auteur insiste-t-il un peu longuement sur des méthodes dépourvues d’intérêt scientifique, mais le lecteur séduit par tant de verve et de spirituelle ironie ne songe pas à se plaindre. Ce sont surtout les études du second groupe qui intéresseront les psychologues. On peut extraire des deux volumes parus une série de définitions et de théories qui ont déjà appelé et appelleront certainement encore des discussions fort suggestives. Sans pouvoir ici les résumer, signalons : la conception de l’émotion comme phénomène surtout négatif, qui supprime les réactions bien adaptées, comme dépense désordonnée d’énergie et effort impuissant (I, p. 203-205) ; la théorie du contraste entre la réaction émotive et la suggestion, celle-ci provoquant des actes relativement complets ; la théorie de la suggestion, nettement distinguée de la crédulité, et con-